Nancy Adjani Ngelekwa,
- Faustin André Koua Cédric
- 12 janv. 2023
- 5 min de lecture
Nancy Adjani Ngelekwa,
Interview
Bonjour Nancy, peux-tu te présenter aux lecteurs de Cinéarts Diamond Magazine ?
Tout d’abord, je vous remercie pour cette remarquable attention. Je suis Nancy Adjani Ngelekwa, actrice et productrice congolaise, née à Kinshasa. Je vis actuellement dans cette ville.
Tu as fait ton graduat à l’Institut National des Arts en animation culturelle et ensuite tu as intégré le groupe cinématographique Collywood, c’était en 2009… Peux-tu m’en dire un peu plus sur cette période de ta vie ?
Oui, j’ai fait l’animation culturelle l’INA (Institut National des Arts) d’où je suis sortie graduée en 2009. Cette même année, j’ai intégré Collywood, un groupe cinématographique congolais dont j’ignorais complètement l’existence. Il m’a été suggéré par mon grand frère Pidokan Ngelekwa, qui trouvait que ce milieu me ressemblait, en raison de mon goût prononcé pour le cinéma. Dans cette période, j’ai appris à me connaître réellement et m’apercevoir que j’avais un talent en moi. Il fallait simplement un déclic pour me révéler, vu mon côté super timide et coincé.
Je crois que c’est ton oncle qui t’a donné le nom d’Adjani, peux-tu me dire pourquoi ?
Oui, le nom d’Adjani me vient de mon défunt oncle. Je suis née dans les années 80, période où l’actrice Isabelle Adjani avait beaucoup de succès. Mon oncle en était super fan. Il était proche de ma mère, bébé il m’appelait Adjani (vu aussi son goût pour la culture : musique et cinéma). Il m’a fait aimer le cinéma et aussi la musique. Je me rappelle, j’étais enfant quand il a quitté Kinshasa pour s’installer au Cameroun puis au Nigeria, il m’envoyait des petits cadeaux, des cassettes vidéo et audio, des films pour enfants. Mon oncle a eu sûrement une prémonition à mon sujet. Il m’a, je crois, préparée à prendre cette voie sans le savoir… Qui sait ?
La télé a été pour toi un révélateur, pourquoi ?
Oui, la télé a été un révélateur pour moi, car déjà toute petite je la regardais. Je n’avais pas beaucoup d’amis et la télévision a accompagné mon enfance. C’est elle qui me parlait le plus. J’étais timide et réservée et j’avais peur d’approcher mes camarades. Je me suis donc réfugiée devant cet écran magique. Je passais des heures et des heures à suivre les programmes, sans me soucier de ce qui pouvait se passer dehors. Quand je déprimais, soit j’écoutais de la musique, soit j’étais scotchée devant le monde extraordinaire de la télévision. Je connaissais, d’ailleurs, toutes les répliques des films, comme celles du Prince à New York.
Ton passage dans le groupe Collywood a été très difficile, peux-tu me dire pourquoi ?
Cette époque a vraiment été très difficile parce que je ne savais absolument rien faire, c’était un nouvel univers pour moi et il fallait que je fasse mes preuves.
À cause de ma timidité, j’avais du mal à gérer le regard des autres. Quand je suis arrivée là-bas, j’ai trouvé des jeunes, comme moi, qui jouaient et donnaient des émotions. J’avais déjà vu ce genre de scènes dans les films, mais pas dans la réalité. Et là, je devais faire comme eux, mais je ne savais pas par où commencer.
J’ai vu aussi des personnes qui venaient jouer en n’ayant rien dans les poches ni dans le ventre, mais qui étaient à fond dans ce qu’ils faisaient. Des passionnés pour cette chose que je ne comprenais pas, puis progressivement je me suis retrouvée dans le même état d’esprit qu’eux.

Tu as été, à cette époque, obligée de travailler à côté, et qu’as-tu fait comme boulot ?
Oui, j’ai été obligée de rechercher un autre travail à côté, car je ne touchais rien du cinéma. J’ai trouvé un job au sein d’une agence de média qui diffuse des publications sur la femme congolaise. Un magazine que l’on appelle « Bellissima». J’ai fait ce boulot pendant un an et après j’ai embrassé une carrière dans l’hôtellerie. Un métier que j’ai appris sur le tas dans l’un des grands hôtels Kin. Un véritable coup de chance, car ils m’ont recrutée sans tenir compte de mon manque d’expérience dans ce type d’activité.
Puis s’est présentée une opportunité, qu’elle est-elle et comment est-elle venue à toi ?
Après quelques années dans l’hôtellerie, une opportunité s’est présentée à moi, grâce à un collègue de travail, dans l’établissement où je travaillais. Ce mentor était monsieur Jean-Marie Mpanzu. C’est lui qui m’a appris l’exigence dans un Palace. Je devais aller dans un hôtel 5 étoiles, loin de Kinshasa, au Congo Central et plus précisément à Moanda. Il me proposait un très bon salaire, j’ai accepté. Un défi à relever, j’ai donc quitté Kinshasa pour vivre à Moanda pendant quatre ans.
Cette opportunité t’a éloignée du cinéma ?
Effectivement. J’ai donc été obligée de tout quitter, ma famille, le cinéma, je n’avais pas d’autres choix. Il me fallait gagner de l’argent, m’occuper de ma famille surtout de ma maman, malade à cette époque et le choix a été vite fait.

Il y a eu ensuite la période du Covid et c’est à ce moment-là que le cinéma est revenu vers toi… pour quelle occasion ?
Le cinéma n’est pas revenu vers moi à cause du Covid. Le cinéma en fin de compte ne m’avait jamais quittée, il était en moi, mais il était peut-être trop tôt pour faire mes preuves. Je voyais bien que le cinéma évoluait à Kinshasa, malheureusement je ne pouvais rien faire. J’ai même raté l’occasion de jouer dans un film à cause de mon timing.
Il y a eu, enfin, l’élément déclencheur qui m’a permis de quitter mon travail pour un univers qui me convenait mieux et qui animait ma passion.
La période du Covid a été particulière, je ne pouvais pas travailler, alors j’allais à la plage m’amuser. Je me prenais en photo pour poster ces images sur mon compte Facebook. C’est là que l’un de mes amis de Collywood m’a contactée pour me dire que mes photos l’avaient inspiré et qu’il voulait écrire le scénario d’un film dans lequel j’aurais le rôle principal. Je l’ai pris au mot et en plaisantant je lui ai conseillé de commencer cette écriture, en lui précisant, bien évidemment, que je n’avais pas les moyens de produire son histoire, sauf si le scénario me plaisait… C’est ce qui s’est passé, j’ai aimé et le film a été produit.
Regrettes-tu d’avoir tout quitté pour le cinéma ?
Dire que je regrette d’avoir tout quitté pour le cinéma ce serait se mentir.
Non, je n’ai jamais regretté, même si c’est un gros challenge de quitter un travail bien rémunéré pour se lancer dans le cinéma où la rémunération est aléatoire. J’aime le cinéma et je ne me voyais plus vivre loin de tout ça. Aujourd’hui, mon film « Adjani » est l’un des meilleurs films congolais. Il n’arrête pas de remporter des récompenses. Il fallait juste oser et c’est ce que j’ai fait.
Quels sont tes rêves et tes ambitions aujourd’hui et pour ton futur ?
Mon rêve c’est d’aller plus loin dans le monde cinématographique, faire des grands films, avec de grands acteurs internationaux. Je rêve de gagner des récompenses comme les Oscars. Je veux que le cinéma congolais se révèle et devienne l’une des sources économiques du pays. Faire aussi fructifier ma boîte de production, et réaliser plusieurs films et séries chaque année.
Que pourrais-tu dire ou confier à nos lecteurs ?
Je dirais tout simplement que la vie est parsemée d’embûches. Qu’il faut se battre pour réussir. N’accepte pas la facilité, si tu as un rêve, fais en sorte de le réaliser. Personne ne le réalisera à ta place. Il ne faut pas avoir peur et savoir prendre des risques. Aux jeunes qui veulent faire du cinéma juste pour devenir une star, je voudrais leur dire qu’il faut faire ce métier avec cœur et passion et si vous avez du talent, la réussite viendra en son temps.
Je remercie tous les lecteurs de Cinéarts Diamond Magazine et surtout toi, Cédric Koua, pour m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer à travers votre magazine et que cette interview vienne de la Côte d'Ivoire, ça m’émeut.

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